- Idées et réflexions -

Ce que Cécile Duflot oublie opportunément…

Ce dimanche 27 février 2011 a été marqué par une intervention caricaturale de Cécile Duflot qualifiant le Président du Conseil Régional de Bretagne d’ « escroc ». Les Bretons qui ont voté pour lui – et ils sont nombreux – seront heureux de connaître la haute estime que les élus écologistes de Paris ont des élus de la gauche bretonne.

Cette intervention est à la fois insultante pour l’intéressé (35 ans de vie au service des lorientais puis des Bretons tout de même) mais aussi pour tous ceux qui dans les collectivités territoriales de Bretagne essaient d’avancer « contre vents et marées ».

Car ce que feint de ne pas comprendre Cécile Duflot, leader d’Europe Ecologie, c’est que les leviers de nos collectivités sont minces en termes de politique agricole. Tout se joue pour nous sur l’incitation, puisque la définition des normes et du modèle économique est du ressort de l’Etat voire de l’Europe. Cette absence de pouvoir réglementaire dans les collectivités nous contraint si l’on veut avancer à faire avec les agriculteurs et non pas contre. Aucun changement de pratique ne pourra s’effectuer sans l’adhésion des agriculteurs, c’est pourquoi la majorité régionale s’est lancée dans un tro breiz (tour de Bretagne) pour définir une « nouvelle alliance pour l’agriculture bretonne » avec tous les acteurs concernés par cet enjeu. Et c’est dans ce contexte, qu’est intervenue la campagne d’affichage de France Nature Environnement, jetant le discrédit sur les agriculteurs qui n’avaient pas franchement besoin de cela en ces temps de crise.

Si le fond ne peut être remis en cause – les algues vertes sont un mal à combattre -, la forme et le moment où cela est intervenu étaient pour le moins maladroits. Et si la provocation est facile, la construction de politique viable pour tous, est quant à elle difficile et fragile. Dans tous les cas, la gauche ne peut avancer divisée sur ces questions.

Surtout que des signes d’encouragement existent. J’en veux pour preuve les progrès effectués sur les bassins de captages qui alimentent la Ville de Rennes en eau potable. Dans le pays du Coglais, les taux de nitrates contenus dans les drains atteignaient au début des années 2000 près de 70 mg/l. Aujourd’hui, après notamment la mise en œuvre de mesures agro-environnementales (en partie financées par le Conseil général, régional, l’agence de l’eau et mises en œuvre par le syndicat de production d’eau potable du bassin rennais), ce taux ne dépasse plus que très exceptionnellement les 50 mg/l, norme réglementaire en vigueur. Ce n’est qu’une première étape, mais on ne peut nier cette amélioration. Ce travail de fond avec les agirculteurs a permis lors de la reconstruction de l’usine de production d’eau potable de Mézières sur Couesnon par le syndicat de production de ne pas avoir à financer une unité de dénitratation. Cela prouve notre confiance en une agriculture plus respectueuse de son environnement. Cela réclame du travail et une capacité de dialogue, que l’on ne peut cultiver que bien loin des salons parisiens…

2 réponses à “Ce que Cécile Duflot oublie opportunément…

  1. Cet article est un faux-débat ! Les gué-guerres entre Duflot et Le Drian ne doivent pas occulter le vrai débat : la qualité de l’environnement en Bretagne ! Pourquoi nier l’évidence ? C’est bien l’agriculture industrielle intensive (l’agro-business) qui détruit notre environnement et cadre de vie !
    Je ne vois pas en quoi la campagne de FNE est choquante ! Elle ne dit que la VERITE ! Lorsque Thalassa fait un reportage sur le problème des algues vertes en Bretagne, il n’y a pas autant de réactions ! Je ne comprends pas pourquoi on s’offusque autant d’une telle campagne alors qu’on montre aujourd’hui de plus en plus de photos ‘chocs’ sur les paquets de tabac (poumons attaqués par le cancer, etc), alors que les campagnes sur la sécurité routière sont de plus en plus choquantes elles aussi !
    Là, je crois que FNE s’est attaqué au cœur du modèle économique breton, et c’est là que le bât blesse. On remet en cause le socle de l’économie de notre région : l’agriculture (la Bretagne est la 1ère région agro-alimentaire d’Europe) ! Mais, les dirigeants locaux sont encore trop conservateurs ! Les mutations vers des exploitations agricoles biologiques existent pourtant et bénéficient de subventions (même si elles se réduisent de plus en plus avec notre gouvernement actuel) ! Alors qu’on vienne pas nous dire que c’est trop compliqué de changer de système ! Certains agriculteurs intensifs et surtout certains de leurs représentants dans les instances (type Chambres d’agri ou fédé des syndicats agricoles) sont de mauvaise foi et veulent continuer à s’enrichir au détriment de la nature ! Nos responsables ne sont pas prêts à un véritable changement de cap (il faut dire pour leur défense qu’ils subissent un important lobbying des patrons de l’agro-bussiness, qui eux ne souhaitent pas le changement. C’est normal, c’est leur gagne-pain ! L’environnement ? On verra plus tard !).
    Je crois personnellement que M. Le Drian aurait pu saisir l’opportunité de ce buzz créé par cette campagne pour affirmer une réelle volonté de retrouver une bonne qualité de l’environnement et d’améliorer ainsi l’attractivité touristique de la Bretagne !
    Car ce n’est pas la campagne de FNE qui « salit l’image de la Bretagne » (comme l’affirme nos dirigeants… Le Drian… Vadillo – Présidente du Comité Régional du Tourisme…) mais bien les algues vertes !
    Je crois, Mesdames et Messieurs les socialistes locaux, que vous avez encore manqué une occasion d’entamer la réelle mutation écologique que la société attend !
    Alors certes, il y a eu des progrès sur certains bassins versants mais on est loin des résultats escomptés ! Les leviers dont vous parlez Monsieur Hervé, existent ! Preuve en est avec la signature et le soutien de la Région (et donc de Le Drian et des socialistes) au PAAR (Plan Agricole et Alimentaire Régional breton), qui prévoit notamment en fiche action n°16 d’éliminer les petits producteurs au profits des plus gros. Où est la volonté politique ???

    Il est encore temps de changer notre système agricole régional !

    Merci et bravo à FNE qui a osé mettre sur la place publique toutes ces problématiques !

    1. Bonjour à vous,

      Si vous lisez bien cet article ce n’est pas tant le débat Duflot / Le Drian qui est traité mais bien les marges de manœuvre des collectivités en matière de politique agricole. Encore une fois, nous ne pouvons fonctionner que sur un mode incitatif et non pas coercitif (l’établissement de normes relève de l’Etat et de l’Europe). C’est pourquoi, je dis qu’il faut rester mesuré dans ses propos et que la caricature quelle qu’elle soit n’est pas bonne car elle rompt toute possibilité d’action avec le monde agricole.

      Par ailleurs, vous occultez le fait que le modèle agricole breton a contribué à l’essor économique de notre Bretagne et est encore de nos jours pourvoyeur de nombreux emplois, cela fait aussi partie du développement durable. Pareillement, l’accès de tous à une nourriture de qualité (le poulet était un luxe il y a encore 20 ou 30 ans) par des prix bas, permis par la production de biens alimentaires à grande échelle, a contribué à l’allongement de la vie.

      Simplement, ce modèle est aujourd’hui à ré-actualiser car il a complètement oublié la dimension environnementale et nous en payons le prix aujourd’hui, c’est pourquoi une transition doit s’opérer. La solution à mettre en œuvre ne peut se résumer à un modèle unique car nous ne pourrons pas avoir de modèle 100% bio, notamment pour des questions de rendement et de démographie croissante. C’est pourquoi, je pense qu’il nous faut à la fois une agriculture bio sur les points sensibles (cours d’eau notamment), et une agriculture conventionnelle avec une norme environnementale renforcée sur les autres parties du territoire. Nous devons également penser à diversifier notre agriculture et à favoriser la rotation des cultures. Et tout cela en essayant de ne pas peser sur le pouvoir d’achat des ménages. Cette équation n’est pas simple et doit faire appel à un choix de société où le financement est à arbitrer entre le consommateur et le contribuable.

      Je pense que nous avons la possibilité d’avancer sur ces questions sans stigmatiser qui que ce soit : les agriculteurs ne sont pas des criminels, ni des escrocs d’ailleurs, ils se sont simplement adaptés à la commande politique dont le choix revenait aux citoyens de ce pays (nous sommes tous responsables). Les décennies passées étaient vouées à disposer de biens alimentaires les plus abordables possibles. Aujourd’hui, la sensibilité des citoyens évolue et on ne peut plus se contenter d’une réponse seulement économique. Dans le contexte national qui est le nôtre depuis 2002 (et donc la présence sans discontinuer de la droite au gouvernement) le parti socialiste a toujours, dans les collectivités où il était présent, poussé vers un modèle de développement plus respectueux de son environnement, l’exemple cité dans l’article en est une des preuves.

      Marc HERVE

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