Les mois qui viennent verront s’affronter différentes réflexions sur la place de l’action publique et plus précisément sur le rôle de l’Etat. Sur cette question deux grandes écoles de pensée s’affrontent : la première, libérale, voit dans l’intervention de l’Etat une source d’inertie et de lourdeur qui entrave les libertés, la seconde, interventionniste, voit dans l’Etat un outil de régulation favorisant l’égalité.
Le choix entre ces deux théories cristallise l’opposition droite/gauche, et permet de positionner nos partis sur l’échiquier politique. A la différence d’autres partis de gauche, le parti socialiste a toujours fait le choix de la justice sociale sans pour autant sacrifier la liberté des individus, reconnaissant en celle-ci une source d’épanouissement. La droite, et notamment celle au pouvoir n’a eu de cesse de diminuer la portée de l’Etat. Elle a atteint cet Etat au plus profond de lui-même, en ces compétences dites régaliennes : justice, police, éducation, diplomatie ont toutes été l’objet de réformes dégradant leur niveau de qualité, au nom de la diminution de la dépense publique.
Mais la diminution des moyens a aussi touché l’Etat au local. Dans nos activités d’élus, nous avons affaire avec ces services et il arrive parfois que l’on ressorte de ces échanges avec de vives interrogations. Nous ne sommes alors plus dans la théorie mais dans une réalité que l’on ne peut admettre. Quelques exemples :
– gestion des barrages sur la Vilaine, en amont de Vitré : de compétence départementale ces trois barrages voient leur fonctionnement encadré par des textes (arrêtés le plus souvent) provenant du représentant de l’Etat (préfet). Il est donc normal que le conseil général (CG) s’en tienne à respecter la lettre de ces textes. Ceux-ci peuvent par exemple porter sur les débits d’eau rejetée du barrage vers l’aval pour permettre la continuité écologique. Sur ce thème le désengagement de l’Etat pose problème. Il a ainsi été récemment demandé par les services d’Etat que le CG paye et fasse réaliser une étude sur le niveau des débits qu’il fallait réserver au milieu naturel pour que les éco-systèmes fonctionnent le mieux possible. En d’autres termes l’Etat nous demande de fixer nous-mêmes la norme qu’il devra nous faire respecter. Imaginer des automobilistes à qui la police nationale dirait c’est à vous de fixer la vitesse limite à laquelle vous circulez : ubuesque.
– suivi des contrats de délégation de service public : l’émiettement communal à favoriser, par la faiblesse des structures publiques (petites communes ou intercommunalités), un modèle de gestion des services publics caractérisés par la délégation à un acteur privé (dans le domaine de l’eau par exemple). Cela peut avoir des avantages indéniables (mutualisations des coûts, externalisation des risques financiers, polyvalence des effectifs…) mais nécessite tout au moins un suivi strict de la part de la collectivité. Les plus petites collectivités n’ayant pas les moyens de ces contrôles, l’Etat avait proposé de prendre à sa charge ce suivi. C’est aujourd’hui terminé. Il n’y a donc plus de contrôle effectif des délégataires pour certaine collectivité. La collectivité publique n’y gagne rien dans son ensemble car ces missions de contrôle seront assurées par des cabinets d’expertise qui coûteront certainement plus cher que les postes supprimés. Cette logique d’externalisation de certaine mission, et du renchérissement des coûts par le recours au privé, vaut pour la réforme générale des politiques publiques (RGPP) dans sa globalité. Ainsi, il se pourrait que la diminution des fonctionnaires génère pour la sphère publique un accroissement de la dépense publique.
– cellule de veille des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) : ce CLSPD a pour vocation de rapprocher tous les acteurs qui ont affaire avec des problématiques de sécurité. On y retrouve la police nationale bien sûr, mais aussi la police municipale, les services des jardins, des transports en commun, des acteurs sociaux, des conseillers de quartier référents, etc. Nous appelons régulièrement de nos vœux de revoir apparaître une police de proximité permettant à la fois de contrôler, d’intervenir rapidement mais aussi de créer un climat de confiance. Nous pensions dans un premier temps avoir eu gain de cause avec la création des « patrouilleurs ». Ce ne fut encore une fois que du « marketing politique » pour maquiller des effectifs trop légers, et surtout des commissariats de quartier dont la fonction ne se limite désormais plus qu’à recevoir des plaintes sans capacité d’intervention (même quand le fait délictueux se passe à quelques pas). La droite joue donc avec un des fondements du pacte républicain, la sécurité. Ils ne nous auront donc rien épargné.
Ces quelques exemples pourraient être multipliés par des retours qui nous sont aujourd’hui quotidiens sur un état de délabrement des services centraux. Et si cela s’accompagnait encore d’une décentralisation à la hauteur…